Comme un vide en mon coeur [Josiah]

Vous avez un nouveau message, aujourd'hui à 16h32 : "Zepi ? C'est moi ! J'espère que tu auras ce message rapidement, je n'ai pas en tête de passer la nuit à l'hôpital. Je t'explique, j'ai eu, comme qui dirait un petit accident et me suis retrouvé aux urgences... Ils ne veulent pas me laisser partir et exigent que quelqu'un vienne me chercher. Je compte sur toi Zepi, viens vite..."

A l'écoute de ce message, mon visage se décomposa... J'aurais surement encore préféré aller le chercher à la gendarmerie qu'à l'hôpital. Cependant, visiblement, je n'avais pas le choix, je savais qu'il n'allait pas appeler ses parents sous peine de se faire virer de chez lui. M'emparant alors de mon sac et des mes clés, je quitta rapidement mon appartement et me retrouva bien vite dehors, face à la grande porte d'entrée de l'établissement. Expiration, Inspiration. Mes mains tremblaient à l'idée de mettre les pieds dans ce lieu et de retrouver les couloirs blancs dans lesquels mes larmes s'étaient écoulées quelques années plus tôt. C'est ici, ici-même que j'avais vu ma mère pousser ses derniers soupirs, ici-même qu'elle avait perdu la vie. Dieu sait donc qu'à ce moment donné les souvenirs intenses envahissaient mon esprit. Sous la terreur de ce lieu, ma respiration se saccada de plus et plus et je sentit ma tête tourner. Je perdit alors le contrôle de mes membres avant de m'évanouir au sol, prise de faiblesse. Non, je n'aimais décidément plus cet hôpital...

_Ohla... Zepi ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

*J'étais loin d'imaginer rencontrer quelqu'un du lycée dans cet hôpital à cette heure-ci... Je n'aimais pas ces endroits, j'y sentais l'odeur de ma mère qui y passait sa vie, ça me rendait souvent malade ou colérique. Mais dés que j'ai remarqué Zepplin, je suis allé vers elle. Une accélération me prit lorsque je la vis vaciller. Par chance, je l'avais retenu à trois centimètres de l'instant fatal.*

Rattrapée à quelques micro-secondes du contact entre ma tête et le sol, je repris quelque peu conscience, le cœur battant à toute vitesse. Pourquoi étais-je venue ici ? Pourquoi avais-je accepté de me rendre dans ce lieu qui m'était si pénible ? Je me posais de plus en plus la question. Retournant doucement la tête pour découvrir "mon sauveur", je vis en face de moi le visage de Josiah, l'air interrogateur.

"Je.... J'étais venue chercher quelqu'un mais... je crois que je n'aurai pas la force d'entrer... là-dedans."

*Pourquoi était-elle rentrée si elle savait qu'elle n'aurait pas la force de poursuivre ? Elle était bien courageuse... En tout cas, même si la question de qu'est-ce qui provoquait tant d'anxiété trottait dans ma tête, je préférais la réserver pour plus tard.*

_Viens prendre l'air dehors.

*Tout en la soutenant par la taille et les épaules, je l'entraînais devant l'hôpital.*

Je savais que je n'allais perdre personne cette fois-ci, et pourtant, il m'était tout simplement impossible de faire un pas de plus dans cet hôpital là. Généralement, je n'avais pas peur de ce genre d'établissement, il n'y avait que celui-là que je redoutais, il n'y avait que celui-ci qui était emplit de souvenirs désagréables. Soutenue par Josiah, qui m'emmena bien vite à l'extérieur pour que je prenne l'air, je retenais mes larmes de couler. Je savais pertinemment qu'aux yeux des autres, j'étais une étudiante fêtarde qui ne se gênait pas pour paraître méchante à certains moments et pourtant, pourtant... J'étais réellement un cœur tendre et une jeune femme sensible. Combien de fois avais-je passé la soirée à me morfondre sur mon passé et à en pleurer ? Combien de fois m'étais-je isolée, juste pour penser ?

"Merci..."

*Dehors, je m'assis sur les marches, incitant Zepplin à en faire de même. J'étais assez étonné de la voir si faible, et dans ses yeux on voyait qu'elle retenait une envie de pleurer. Elle me remercia mais je n'avais encore rien fait... Je la pris dans mes bras pour qu'elle pose sa tête sur mon épaule.*

_J'aime beaucoup l'odeur de tes cheveux.

*J'avais un sourire réconfortant aux lèvres. Je voulais la consoler, oui, mais surtout lui faire penser à autre chose. Je détestais voir les gens souffrir autour de moi alors qu'ils n'avaient rien fait. Surtout une fille aussi jolie que Zepi...*

M'asseyant sur les marches, à ses côtés, je sentais les larmes monter de plus en plus et mes yeux devenaient désormais étincelants. Il l'avait sans doute remarqué et prit peine de me prendre dans ses bras. Instinctivement, je déposa ma tête sur son épaule, fermant les yeux pour essayer de reprendre mes esprits. Cela faisait pas mal de temps que je cachais mon passé aux autres, pas mal de temps même, que personne ne me consolait car généralement, je ne montrais pas mes faiblesses.
Quoi qu'il en soit, sa remarque sur l'odeur de mes cheveux me fit quelque peu sourire. Ce n'était peut-être pas adapté au contexte mais au moins, cela me faisait penser à autre chose.

"Vanille... Enfin mon shampoing est à la vanille..."

*Elle aurait put pleurer, ça soulager souvent de pleurer et ça ne gâcherait rien de l'image de fille sûre et intouchable que j'ai d'elle. Au contraire, pour moi, être fort c'était savoir montrer que l'on avait des hauts et des bas.*

_L'alizé vanillé
Dessine des spirales
Tendres et furtives,
Enjôleuses puis tenaces,
Et la plage de soie déroule sa douceur
Pour charmer bleus et verts
Où l'horizon s'emmêle
Et le regard se perd
Dans un élan ébloui
La séquence est trop brève
Mais le rêve revient.

*J'aimais la poésie, pour seule raison que cela permettait l'évasion. Tous les arts, je les aimais pour cela.*

Pleurer faisait du bien... Il paraissait. Seulement, toutes les larmes que j'avais versé depuis la mort de ma mère ne m'avaient en rien soulagé de son absence. J'en déduisais donc que dans ce cas, pleurer n'arrangerait rien... Écoutant le poème dicté par Josiah, mon sourire s'agrandit, même si les larmes restaient toujours prisonnières de mes yeux. Visiblement, il aimait l'art de la poésie... De mon côté, j'appréciais beaucoup cela aussi. En tant que comédienne théâtrale à mes heures perdues, j'en avais vu défiler des répliques toutes plus sublimes les unes que les autres.

"C'est magnifique... ça me rappelle un peu la dernière pièce que j'ai eu à jouer."

_Tu joues du théâtre ? Quel genre de pièce tu joues ?

*J'étais contente d'avoir attiré son attention sur quelque chose de différent, c'était le but pour éviter qu'elle ne repense à ce qui la rendait si mal. Ce devait tout de même assez grave... Mais ce n'était pas vraiment le moment pour tenter d'identifier le problème et tenter de le résoudre.*

Peu à peu, mon cœur rebattait à vitesse normal et de nouvelles choses venaient prendre possession de mon esprit. Le théâtre... au fond, c'était bien un des seuls sujets dont je pouvais parler avec une réelle passion. Je m'étais découvert des talents de comédienne peu de temps après le décès si soudain de celle qui m'avait mise au monde. Monter sur les planches: un moyen d'extérioriser ses sentiments tout en prenant du plaisir... Voilà ce que j'aimais.

"Oui... ça fait déjà pas mal d'années que je joue du théâtre. Je suis d'ailleurs inscrite au club théâtral du lycée. En ce qui concerne les pièces que l'on joue, elles sont variées. Du comique au tragique, je pense qu'on aura tout fait."

*J'étais très intéressé par le théâtre, peut-être même que je pourrais essayer d'en jouer. J'aimais essayer de nouvelles choses.*

_Il faudra que tu me dises quand est-ce que vous répétez et quand vous jouez, rien que pour pouvoir admirer ton talent !

*Une musicienne, une comédienne, décidément, ce lycée était plein d'artistes en herbe !*

Les répétitions ? Je les faisait très souvent. Il est vrai qu'un seul jour, au lycée, était consacré au théâtre mais, généralement, je ne me gênais pas à convier mes amis à mes répétitions personnelles, leur confiant ainsi un scénario et les faisant participer. Je trouvais ça assez convivial.

"Hum, et bien... Généralement on répète le vendredi soir, dans la salle d'art théâtrale."

_Dans ce cas je réserverais quelques vendredi soirs pour venir et qui sait peut-être me joindre à vous. Je n'ai jamais essayé de joué du théâtre alors ce n'est pas à l'abri de me plaire.^^

*J'aimais vraiment l'odeur de son shampooing, il me faisait penser à l'odeur de ma chambre du temps où j'étais encore au Liban. Cette époque me manquait, même si elle m'entraîna dans les méandres de la vie, c'était la douce enfance innocente qui savait encore rêver. Rien que pour ça, j'adorais Zepplin.*

_Tu veux boire ou manger quelque chose ? J'étais parti pour me chercher une barre chocolatée.

"Il est difficile de ne pas apprécier le théâtre. Je suis montée pour la première fois sur les planches juste pour rigoler et depuis, je ne peu plus m'en passer..."

Très vite, Josiah me demanda si je voulais boire ou manger quelque chose. Il est vrai que cela ne pouvait que me faire du bien mais, pour cela, il fallait se rendre au distributeur présent à l'intérieur de l'établissement. Il fallait remettre les pieds dans cet établissement et je n'en avait point envie, même si mon ami m'attendait d'ailleurs toujours à l'intérieur.

"Je serais pas contre un petit jus de fruit. Mais, je ne sais pas si j'aurais le courage de retourner dans ces couloirs."

*L'art c'est toute une histoire de passion ! Sûrement comme elle pour le théâtre, dés que j'ai touché un pinceau je suis tombé amoureux de la peinture. Et depuis, je ne passais pas une semaine sans peindre ! Lorsque je lui proposai à manger ou à boire, elle crut qu'elle allait devoir remonter les quelques marches descendues et entrer dans l'hôpital.*

_T'en fais pas, c'est moi qui offre service et bien !

*Je lui fis un bisou sur la joue et allai chercher le jus de fruit et ma barre chocolatée. Je fis vite pour ne pas laisser Zepi toute seule trop longtemps. De retour, je m'assis à nouveau et lui tendis son jus de fruit.*

_Et voilà très chère !

Je pouvais bien dire ce que je voulais, au fond, j'étais contente que Josiah soit à mes côtés. Après tout, c'était sans doute mieux que de me morfondre sur mon passé seule. Très vite, il se leva, prenant soin de déposer un baiser sur ma joue, m'indiquant qu'il allait lui même aller chercher mon jus de fruit. A peine était-il parti que je déposa délicatement mon gilet sur mes épaules, comme m'enveloppant à l'intérieur. J'allais être seule l'espace de quelques secondes et, je ressentais le besoin de me former comme une bulle autour de moi, comme si cela m'aidait à oublier...
Cependant, je ne fus pas seule longtemps puisque très vite, Josiah reprit place à mes côtés, me tendant alors mon jus de fruit. Je pris alors soin, à mon tour, de déposer un baiser sur sa joue, en guise de simple merci.

"N'empêche, tu dois me prendre pour une peureuse... Enfin, je veux dire, l'autre jour t'as vu mon côté rebelle face au proviseur et là, j'ai même pas la force de mettre les pieds dans un hôpital..."

*Je ris un instant. C'est vrai que j'avais là deux facettes différentes de sa personnalité mais de là à la prendre pour une peureuse !*

_Si d'entrer dans cet hôpital t'as mit dans un tel état c'est que tu dois avoir tes raisons et tu as voulut dépasser cette peur. C'est que tu dois être super courageuse. Ne pas être parvenue à aller jusqu'au bout n'a aucune importance. Tu es rebelle et courageuse et en aucun cas une peureuse. Je ne porte aucun mauvais jugement sur toi, et je te respecte beaucoup pour le peu que je te connais.

*Je ne faisais pas que lui remonter le moral, la consoler, je pensais réellement ce que je disais et espérais qu'elle en prenne compte. J'étais sincère.*

Buvant une gorgée de mon jus de fruit, j'écoutais attentivement les dires de Josiah. Au fond, il n'avait pas tord. Je savais pertinemment que mettre les pieds ici me faisait mal et pourtant, je gardait le courage d'au moins essayer, je ne baisais pas les bras.

"Oui... tu as peut-être raison. Et puis comme on me l'aura déjà dit, j'ai été courageuse dans mon passé..."

Une fois de plus, nous partagions une certaine marque d'affection voire, de consolation. Il passa son bras autour de ma taille et, de mon côté, je déposa paisiblement ma tête sur son épaule, comme si je me sentais protégée, sereine.

"En fait... tu sais pourquoi je n'ai pas envie d'entrer là-dedans ?"

Commençais-je tout en pointant du doigt une des fenêtres de l'hôpital, laissant au passage s'échapper une larme.

"Et bien, il y a un an, j'ai versé toutes les larmes de mon corps derrière cette fenêtre. Le sifflement strident des machines, les cris des infirmiers qui s'affairaient dans cette chambre. Je me souviens de tout... de tout"

_En fait... tu sais pourquoi je n'ai pas envie d'entrer là-dedans ?

*Non, je ne voulais pas entendre cette histoire tant qu'elle ne serait pas prête. Mais peut-être l'était-elle et qu'elle me faisait déjà suffisamment confiance... En tout cas, elle pleurait déjà alors je n'allais pas lui dire qu'elle n'était pas obligé de m'en parler. Elle avait besoin de se libérer et moi j'étais là pour elle, elle en avait besoin.*

_Et bien, il y a un an, j'ai versé toutes les larmes de mon corps derrière cette fenêtre. Le sifflement strident des machines, les cris des infirmiers qui s'affairaient dans cette chambre. Je me souviens de tout... de tout.

*Je posai ma tête sur la sienne qui était posée sur mon épaule. J'imaginais qu'elle avait dut perdre quelqu'un qui lui était cher, un proche. Peut-être l'un de ses parents...*

_C'est arrivé il n'y a pas longtemps ?

Mes larmes s'échappaient désormais les unes après les autres. Une déchéance de pleurs que je n'arrivais plus à contrôler. Non, je ne voulais pas pleurer, pas devant quelqu'un. Je n'avais jamais pleuré devant une quelconque personne si ce n'était des personnes de ma famille.
Ma gorge se serrait à chacun de mes mots et pourtant, j'avais l'impression qu'en parler me soulageait. Cela faisait tellement de temps que je gardais tout ça pour moi.

"Il y a un an environ... Mais, j'ai l'impression que tout ça date d'hier..."

*Au début on pense que parler ne sert à rien, que de toute façon, ça ne changera en rien ce qui est arrivé. Le passé c'est le passé et on ne peut réparer nos erreurs. En parler n'a pas la prétention de changer les choses, juste de permettre à celui qui porte le fardeau de mieux l'accepter. Et lorsque l'on accepte les choses, alors on est plus fort et on peut soulever ce poids avec plus d'assurance. On peut alors relever la tête et regarder droit devant nous.*

_Il y a un an environ... Mais, j'ai l'impression que tout ça date d'hier...
_C'était quelqu'un d'important pour toi ?

Oublier. Longtemps on m'avait dit: "Avance dans la vie et oublie"... Mais comment oublier des événements comme ça ? Tirer un trait sur la mort d'un de ses proches, tourner la page sur une enfance, une adolescence heureuse auprès d'une mère toujours à l'écoute ? Non, c'était tout simplement improbable et impossible à faire !

"Et bien, c'était tout simplement la personne la plus importante à mes yeux. Celle sans qui je ne serais pas là aujourd'hui !"